Karine Bechet, docteur en droit public (France), présidente de l'association Comitas Gentium France-Russie, animatrice du site Russie Politics.

Service national volontaire : peut-il transformer la société de l’intérieur ?

Service national volontaire : peut-il transformer la société de l’intérieur ?
Service national volontaire, peut-il transformer la société de l’intérieur ? [image générée par l'intelligence artificielle]
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L’instauration d’un service militaire volontaire marque, selon Karine Bechet, un tournant doctrinal : le retour assumé de l’État-nation face aux limites du modèle globalisé qu’elle décrit comme déraciné, individualiste et wokiste. Une orientation qui pourrait, à terme, remodeler en profondeur la société française de l’intérieur.

Le service militaire est un anachronisme dans le Monde global. Il s’agit d’un instrument de prise de conscience de l’appartenance à une nation et, ce qui est pire encore, de la soumission de l’individu aux intérêts de cette nation. Autrement dit, l’intérêt individuel, les desiderata de chacun, n’a plus la primauté, mais bien au contraire, les impératifs nationaux, ceux de la collectivité à laquelle chaque individu appartient, peuvent légitimement avoir la priorité.

À l’opposition de la vision de l’homme déraciné, sans passé et sans histoire, cette parfaite feuille virevoltante du Global Village, le service militaire lie l’homme à la terre, à la terre qu’il peut être appelé à défendre. En ce sens, le service militaire est bien un élément de la « création » du citoyen.

Ainsi, le service militaire est foncièrement étranger – et certainement dangereux – à un monde wokiste, car il remasculinise la société. La théorie du genre en prend un coup et cette société se « renormalise ». C’est d’ailleurs bien pour cela que le service militaire universel obligatoire avait été aboli en France en 1997. La Journée citoyenne, avec une mise en scène ludique, le remplaçait alors avantageusement. La parodie dépassant la réalité et la recréant en la vidant de son sens.

Or, Macron, qui est l’un des hérauts de la mondialisation, vient de faire une annonce des plus surprenantes, lui dont la fonction première est bien de garantir une société faible et malléable. Il déclare la mise en place d’un service militaire national... volontaire. Ce volontariat est la concession faite à la mondialisation : comment pourrait-on forcer quelqu’un à servir une Patrie qui n’est d’ailleurs pas censée exister ?

Ainsi, de passage en Isère, le président de la République a déclaré, certes devant de jeunes militaires et non pas dans les banlieues malfamées de Grenoble : « La jeunesse française a soif d’engagement ». Il présente un « modèle hybride », qui doit s’appuyer autant sur une armée professionnelle que sur une société remodelée par le service national.

Il s’agit, selon les explications fournies, d’un processus qui doit s’étaler dans le temps : « Ce futur dispositif sera purement militaire et ne concernera que des jeunes volontaires, principalement âgés de 18 à 19 ans. Il débutera progressivement à l’été 2026, avec 3 000 jeunes la première année, l’objectif de 10 000 en 2030 et si possible 50 000 en 2035. » La durée de l’engagement sera de 10 mois et les personnes formées pourront servir dans tous les corps d’armée sur le territoire national. Ils auront le statut militaire, recevront une solde et pourront ensuite, s’ils le veulent, rejoindre l’armée d’active, la gendarmerie ou les pompiers militaires.

Pour Macron, il s’agit de remplir deux objectifs : l’un social et l’autre géopolitique stratégique.

La France est en crise – sociale, économique et bien sûr politique. Ce service doit donner la possibilité à des jeunes qui veulent réellement trouver du travail et s’intégrer d’être formés et rémunérés. En soi, ce n’est pas une mauvaise chose. Le seul problème est que cet axe va à l’encontre de la logique actuelle de la société dans un monde globaliste. L’armée est l’image de l’État. Or, l’État ne peut avoir d’image positive, puisqu’il incarne l’ordre et le holisme dans un monde soi-disant axé autour du « chaos créateur » et de l’individualisme.

Donc, si ce processus est lancé, il va à terme transformer la société de l’intérieur en en modifiant le paradigme, ce qui ne se passera pas sans sursauts sociaux. Et nous allons voir ceux-là mêmes qui sont censés défendre et promouvoir des mécanismes de déstructuration des sociétés et des hommes imposer un instrument de restructuration.

Tel est bien le paradoxe et la limite objective de la gouvernance globalisée. Afin de dépasser ce paradoxe, les élites globalistes ont besoin de transformer la notion de nation, de rediriger le lien à la nation vers elles.

En ce sens, la restauration lente du service militaire s’inscrit dans une vision géostratégique conflictuelle. Même si la « menace russe » est systématiquement avancée pour justifier toute décision, heureusement pour la France qu’elle est virtuelle et principalement médiatique, car nous sommes loin d’une reprise en main immédiate de la jeunesse, donc de la société. La première année, en 2026, le président espère convaincre 3 000 jeunes, se fixant pour objectif 10 000 en 2030 et espère 50 000 en 2035.

Ainsi, les Globalistes entrent véritablement dans une vision de conflit à long terme avec la Russie, mais un conflit de faible intensité.

Tous les médias tentent de faire monter la pression autour d’une agression possible de la France par la Russie, seule la peur doit permettre aux Français de cesser de voir rationnellement les choses. Et des affirmations répétées en boucle deviennent des évidences qui justifient de nouvelles affirmations allant toujours plus loin dans la création d’une « nouvelle réalité » devant servir les intérêts des élites dirigeantes.

Comme l’affirme Macron : « Nous ne pouvons pas revenir au temps de la conscription, a-t-il ajouté, alors que l’ombre de la menace russe plane sur le Vieux Continent depuis le début de la guerre en Ukraine. Mais nous avons besoin de la mobilisation de la Nation. »

Sera-t-il possible aux Globalistes de rompre le lien entre la Nation et la terre nationale ? Cela pour en faire un rempart du Monde global, dont chacun se doit d’être « patriote », à l’image de ce « patriotisme européen » – un patriotisme sans patrie –, tel est le pari fait par ces élites pour protéger leur pouvoir.

Les Français seront-ils, eux, prêts à nier la terre nationale, à la mettre en danger, pour aller, à terme, défendre les intérêts atlantistes les armes à la main contre la Russie, qui ne présente aucun danger militaire pour eux, et sacrifier ainsi la France ? Ou bien la normalisation de la société, qui peut découler de la restauration d’un service militaire, tout d’abord volontaire, pouvant devenir à terme universel, va-t-elle s’accompagner d’un « dégrisement » profond de notre société ? C’est le pari que les étatistes peuvent faire de leur côté. Espérons que la vérité historique l’emportera.

Les opinions, assertions et points de vue exprimés dans cette section sont le fait de leur auteur et ne peuvent en aucun cas être imputés à RT.

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